vendredi 11 avril 2014

Le film Noé et la Bible



Disons d’emblée que les lecteurs de la Bible vont être déçus par cette reconstruction tirée plus de l’imagination du réalisateur que des « textes inspirés ». On comprend aisément le déluge de critiques que ce péplum biblique hollywoodien a suscité outre-Atlantique dans les milieux chrétiens, malgré son succès dans le box-office. Mais, heureusement, plusieurs points positifs peuvent être relevés.

Points discutables

La liste serait très longue, mais relevons-en simplement quelques-uns.
- Darren Aronofsky s’est accordé une grande liberté dans sa lecture des chapitres 6-9 de la Genèse. Il reprend plusieurs thèmes ésotériques de la Kabbale juive ou du gnosticisme comme la peau du serpent du jardin d’Eden, les Veilleurs, anges déchus ressemblant aux Ents du Seigneur des Anneaux ou l’idée qu’Adam et Eve étaient des êtres « lumineux »… Noé a effectivement reçu la révélation de l’extinction de la race humaine, mais pas de sa propre famille comme le film le montre. Dieu annonce à Noé la fin de l’humanité, et il ajoute : « Mais j’établis mon alliance avec toi ; tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi ». Les fils de Noé sont d’emblée accompagnés de leurs femmes, ce qui suppose une descendance à venir.
- Le délire de Noé dans son désir de tuer ses deux petites-filles nouveau-nées tranche avec la piété et l’amour pour sa famille décrit dans le texte biblique. L’épître aux Hébreux commente : « C’est par la foi que Noé, divinement averti des choses qu’on ne voyait pas encore, et saisi d’une crainte respectueuse, construisit une arche pour sauver sa famille; c’est par elle qu’il condamna le monde, et devint héritier de la justice qui s’obtient par la foi » (11.7). Probablement que le réalisateur a voulu combiner le récit de la grande mise à l’épreuve de la foi d’Abraham lorsqu’il offrit son fils Isaac (Ge 22).
- Le côté très écolo de Noé et sa grande préoccupation des animaux est à la mode, mais s’éloigne du texte biblique.
- La frontière entre le bien et le mal ressort assez bien dans la première partie du film, mais s’évanouit progressivement dans la suite. Noé devient trop souvent un égocentrique malade, enfermé dans une foi fanatique.



Points positifs

- Les images sont impressionnantes, les acteurs sont au top niveau.
- Aronofsky, tout en ayant pris du recul par rapport à sa foi juive, a osé se lancer sur un thème directement biblique. Il est vrai que sa « quête du sacré » ou de la spiritualité est présente dans plusieurs de ses autres films.
- L’un des points forts du film est le climat eschatologique. La fin est décidée, rien ne pourra s’y opposer. C’est un thème assez fréquent dans le cinéma ces dernières années. Il y a des peurs profondes en l’être humain liées à la fin du monde. Toutes sortes de « prophètes » scientifiques ou religieux annoncent de grandes catastrophes. Le film reprend le thème de destruction annoncée à Noé. Ce climat renvoie à celui que le Nouveau Testament présente, et notamment Jésus, lorsqu’il revient sur le récit de Noé : « Comme l’éclair resplendit et brille d’une extrémité du ciel à l’autre, ainsi sera le Fils de l’homme en son jour… Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même aux jours du Fils de l’homme. Les hommes mangeaient, buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche; le déluge vint, et les fit tous périr » (Luc 17.24-28). Le tableau dépravé et sanguinaire de l’humanité en dehors de la famille de Noé est assez fidèle aux données bibliques : « Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme se multipliait sur la terre : à longueur de journée, son cœur n’était porté qu’à concevoir le mal » (Ge 6.5). Une malédiction définitive est prononcée à l’époque de Noé. L’apôtre Pierre présente, dans un contexte de fin du monde, un tableau qui rappelle l’époque du patriarche ; il insiste sur la possibilité d’une repentance avant qu’il ne soit trop tard : « Le monde d’alors périt, submergé par l’eau, tandis que, par la même parole, les cieux et la terre d’à présent sont gardés et réservés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies… Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance. Le jour du Seigneur viendra comme un voleur; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée » (2 Pi 3.6-10).
- L’autre thème qui traverse ce film, ainsi que le récit biblique, est la nouveauté qu’engendre le déluge en apportant une sorte de « nouvelle création ». Un petit nombre, huit seulement, y ont accès selon le commentaire de Pierre (3.20). Ils furent sauvés « à travers l’eau ». Une « nouvelle alliance » démarre, symbolisée par l’arc-en-ciel, signe de la fidélité de Dieu. La rédemption à l’époque de Noé est reprise dans le reste de la Bible pour en illustrer une autre. Le Nouveau Testament signifie aussi, Nouvelle Alliance. C’est un recommencement dans lequel Dieu s’engage en Jésus-Christ, et à cause sa mort expiatoire, à ne plus tenir compte de nos fautes. Il nous accorde un plein pardon, une pleine réconciliation avec lui avant de nous accueillir dans la Nouvelle Création.

Mot de la fin

En conclusion, ce film pseudo biblique, s’il prête le flanc à de nombreuses critiques, peut aussi inciter à revenir au « texte original ». Aujourd’hui encore, la « parole inspirée de Dieu » interpelle celui qui veut bien tendre l’oreille afin de le conduire dans une nouvelle alliance préparée par le Seigneur pour ceux qui sont appelés par lui et qui mettent leur foi en lui.

Reynald Kozycki

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