lundi 5 janvier 2015

« Exodus : Gods and Kings » : quelques impressions



Nous assistons à un « retour en force de la Bible à Hollywood » selon un article d’Allociné. En février 2014, c’était le film Son of God, en avril, Noé, et fin décembre Exodus au budget « pharaonique » de 140 millions de dollars. Le réalisateur Ridley Scott connu notamment par Gladiateur ou Kingdom of Heaven s’est lancé sur le « terrain miné » des reconstructions bibliques selon son expression dans une interview à Première.
Disons d’emblée que, comme pour Noé, il ne faut pas chercher dans ces films l’exactitude biblique. On est loin des leçons de catéchisme.

Quelques points douteux
Les déformations par rapport au livre inspiré de l’Exode sont nombreuses dans le scénario rédigé par Bill Collage, Adam Cooper et Steven Zaillian. La revue Biblical Archeology en fait une assez longue liste. Signalons par exemple les dix fléaux envoyés comme un jugement divin, reproduits avec une grande liberté. Ils s’enchainent rapidement sans grande explication. Les alligators n’ont aucun rapport avec le texte biblique. Le film ne montre pas les entretiens systématiques de Moïse et Aaron avec Pharaon avant chaque fléau, ni les requêtes de Pharaon à Moïse pour prier afin que Dieu ôte la plaie…
Il ne faut pas être pointilleux non plus sur l’ordre chronologique des chapitres 1 à 14 de l’Exode. Plus gênant, le messager, ou l’ange du Seigneur, est un petit enfant étrange, humanisant fortement la divinité (c’est la raison invoquée par le gouvernement marocain pour interdire Exodus dans son pays !). Le critique d’ecranlarge.com en déduit que Ridley Scott présente Dieu comme « un gosse enragé, bouffi d'orgueil et enivré de pouvoir ».Moïse  est présenté plutôt comme agnostique jusqu’à ce qu’un trouble psychique l’amène à croire en Dieu par le moyen de l’enfant messager. « L’humanisation » se répercute sur les miracles dans une vision rationaliste : par exemple la traversée de la Mer Rouge (ou Mer des Joncs) par un « assèchement naturel » et la venue d’un tsunami pour recouvrir l’armée égyptienne. Les lecteurs bibliques habitués aux méthodes « historico-critiques » devraient apprécier ces remises en question de la Bible.

Points positifs
Même si l’impact de ce film n’atteindra probablement pas celui des Dix commandementsde Cecil B. DeMille en 1955, les effets spéciaux d’Exodus et la qualité des images sont parfaitement au niveau de la technologie actuelle. Les reconstitutions de la société égyptienne antique et la qualité des plans des paysages ou des villes anciennes sont peut-être plus fidèles à l’histoire que la tentative de reconstruction biblique (bien que le gouvernement égyptien le trouve trop « sioniste » et l’a aussi fait interdire). Certaines scènes comme le « tsunami » de la traversée de la Mer Rouge sont à couper le souffle, selon les propos du blog du cinéma.
Même si « l’humanisation du divin » ressort trop, en harmonie avec l’ère du temps, il reste dans ce film une touche de la grandeur et de la gloire divines dévoilées dans le récit biblique. On perçoit, malgré tout, que Dieu est à l’origine des dix impressionnants fléaux envoyés contre l’Égypte, ou de la délivrance de « son peuple » à travers la Mer Rouge….

Les évènements racontés par le film reprennent l’un des récits fondateurs de la foi juive et de la foi chrétienne. Ce sera probablement l’occasion, pour plusieurs, de (re)découvrir la version originale de cette histoire, en relisant la Bible elle-même, l’un des piliers principaux de la culture occidentale judéo-chrétienne. Ce texte montre de quelle façon le Dieu unique « rachète » un peuple en le délivrant de la puissance des asservissements de l’Égypte afin qu’il le serve et lui rende un culte. Au cœur des fêtes juives, la Pâque réactualise chaque année cette délivrance. Le film montre assez bien le rôle du premier agneau pascal et le sang répandu sur les linteaux des portes. Ainsi, ceux qui ont pris soin d’écouter les instructions données par Moïse échappent à l’ange destructeur. Ce récit fondateur du judaïsme, l’est presque tout autant du christianisme. La délivrance passe désormais par le nouveau Moïse, Jésus, devenant lui-même l’agneau pascal. Il arrache de l’asservissement des puissances ténébreuses de ce monde, des passions et désordres profonds de l’âme.

En conclusion, la liberté prise par Ridley Scott heurtera plus d’un lecteur assidu de la Bible, mais en comparaison avec les films plus courants, ce sera un moment de cinéma qui portera à réfléchir sur la réalité de Dieu et de la délivrance qu’il accorde à ceux qui placent leur confiance en lui et en ses promesses.
RK

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